3/6/14 Midi littéraire: Du bon usage de la psychologie en situation de négocier
La négociation se révèle au cœur de nos rapports à l’autre et à la société. C’est ce que Stéphanie Demoulin, professeure de psychologie sociale à l’UCL, nous fait comprendre dans son ouvrage Psychologie de la négociation, où elle analyse les mécanismes sous-jacents qui régissent les échanges entre les individus et les institutions. En présentant de façon documentée ce que la littérature scientifique a produit sur le sujet, elle nous éclaire aussi sur les processus de négociation en vogue et les pratiques à développer pour s’y inscrire.
Car, de fait, dans nos vies, nous négocions continuellement. En famille, au travail, avec la voisine, l’agent d’assurance, une vendeuse de voiture, l’administration. Pour trouver une issue à des divergences d’intérêts et d’objectifs. Nous négocions un prix, une augmentation de salaire, un service, une revendication, le maintien d’un droit… Jusqu’à l’épuisement! Nous négocions, sollicité-e-s par un modèle de consommation qui nous impose ses logiques concurrentielles; par une société de l’information qui nous donne l’illusion que notre avis compte; par des normes sociales qui nous demandent de gérer nos émotions et d’éviter le conflit ouvert. Or, pour pouvoir pratiquer la négociation de façon satisfaisante, il faut comprendre les codes et les règles du jeu. La société, de plus en plus individualiste, s’avère sans pitié pour ceux qui ne maîtrisent pas cet art.
Deux types de négociation s’opposent, avec, entre les deux, toute une palette de nuances. D’un côté, la négociation compétitive repose sur une recherche du gain maximum au détriment de l’autre. Elle se vit comme un combat où à peu près tous les coups sont permis. Ici, le contrôle de l’information, le leadership, les stratégies offensives d’imposition font partie de la panoplie des techniques. Pas de place à la remise en question: pour réussir sans se perdre, le « bon négociateur » ne doit pas douter de sa supériorité mais bien cultiver un ego assassin. Notre modèle socio-économique a largement privilégié ce type de négociation, les gagnant-e-s sont glorifié-e-s, les perdant-e-s méprisé-e-s. Faut-il, pour se convaincre des effets délétères de ce modèle, pointer les impasses dans lequel il mène, la violence qu’il génère, son lot d’insatisfactions, de frustrations, de colère?
De l’autre côté, la négociation coopérative vise un résultat final qui se doit d’être satisfaisant pour toutes les parties et demande de collaborer pour aboutir à une entente entre les protagonistes. Ici le dialogue s’établirait non pas pour prendre l’ascendant sur l’autre mais pour faire mutuellement connaissance et développer des relations de respect. L’idée est d’arriver ensemble à un but partagé, ce qui suppose du temps, de l’empathie, des stratégies d’intelligence collective permettant de balayer les préjugés et idées reçues, partir des apports de chacun-e pour sonder des impensés et construire des paradigmes nouveaux. Bref cela suppose des processus et/ou des qualités personnelles et sociales que le modèle dominant, centré sur la performance immédiate, n’a pas l’habitude de valoriser.
En invitant Stéphanie Demoulin à ce Midi du Librex, nous souhaitons ouvrir le débat : au-delà des conseils pratiques pour améliorer nos capacités personnelles à négocier, comment nous y retrouver lorsque nous sommes embarqué-e-s bon gré mal gré dans des situations de conflits sur le plan citoyen? Peut-on rectifier ce modèle qui produit tant de laissé-e-s pour compte? Que faut-il entreprendre, individuellement et collectivement, pour valoriser des pratiques qui réconcilient éthique sociale et exigences de résultats de type économique? Dans quelle mesure la compréhension des mécanismes régissant les interactions entre les individus permet-elle de les influencer? Et en quoi la démarche de libre examen, qui prône la remise en question, permet-elle accroître les capacités de négociation dans un jeu coopératif?
Quoi? Midi littéraire ; de réflexion et d’échanges
Quand? le mardi 3 juin 2014
Heure? de 12h15 à 14h30
Où? Maison de la Solidarité, 66 rue Coenraets à 1060 Bruxelles
Droit d’entrée? 5 euros (lunch et boissons compris)
Pour nous permettre de vous nourrir dignement, merci de réserver au 02/535 06 78 ou via info@centrelibrex.be.
Stéphanie DEMOULIN est professeure de psychologie à l’Université catholique de Louvain. Ses enseignements et recherches portent sur les relations intergroupes (stéréotypes, préjugés et discriminations) et sur la gestion de conflits. Psychologie de la négociation, éd. Margala, 2014.