29/01/14 Midi Littéraire : « Les Roms, chroniques d’une intégration impensée »
Collectivement victimes de discriminations épouvantables (chassés de partout), individuellement jugés coupables (de mendier, de faire trop d’enfants, etc.), les Roms se voient bombardés d’injonctions contradictoires. On leur reproche de vivre dans la mendicité. Mais on leur interdit de travailler. Leur permis de travail est conditionné au permis de séjour. Mais le permis de séjour est conditionné au fait de travailler. Pour bénéficier du droit d’asile, ils doivent apporter la preuve du préjudice subi. Mais la preuve a disparu dans le préjudice. Ils doivent prouver leur identité. Mais leur identité, aussi, a disparu dans le préjudice (et le pays où ils ont été maltraités n’a aucune raison de les reconnaître).
Disqualifiés économiquement, doublement stigmatisés – « nomades mauvais exemples » ou « sédentaires chancres urbains » –, les Roms semblent condamnés à errer de Charybde en Scylla, pour reprendre l’image d’épouvante qui traverse ces « chroniques d’une intégration impensée ».
Impensée, l’intégration des Roms l’est largement. Peut-être parce que les Roms posent en creux la faillite des grands mythes fondateurs de nos sociétés occidentales. Les droits de l’Homme ? Un principe à invoquer pour aller mener bataille à l’autre bout du monde, mais que le réalisme, ici, conduit à relativiser chaque jour un peu plus. Le libéralisme comme idéal de société ? Des pseudos libertés qu’on opposait au communisme quand le monde était divisé en deux blocs et qui font des héros d’hier – ceux qui passaient le mur – les envahisseurs d’aujourd’hui. L’Europe ? Un espace consacrant la liberté de circulation des marchandises bien plus que celle des individus, a fortiori quand ceux-ci se trouvent défavorisés…
Nourri par les témoignages de deux groupes « focus » (le premier composé de Roms, le second de travailleurs sociaux), Jacqueline Fastrès et Ahmed Ahkim dressent un tableau sans concession des dynamiques souvent contradictoires dans lesquelles évoluent les Roms… mais aussi ceux qui tentent de les aider. Un enchaînement de cercles vicieux qui nous conduit à percevoir la problématique des Roms comme une fatalité quasi naturelle, à laquelle il ne serait d’autre réponse raisonnable que le rejet. Embourbés dans des épreuves inextricables liées à leur situation administrative, sociale, culturelle, économique, les Roms vivent pourtant à maints égards la situation emblématique de toutes les populations qui fuient leur pays dans l’espoir de trouver ailleurs une vie meilleure…
Avec Ahmed Ahkim, co-auteur de ce livre sans concession, et Rrahim Gashi, médiateur interculturel, nous tenterons de comprendre comment les intervenants sociaux peuvent endiguer l’effet de série des cercles vicieux. Comment aider les Roms à sortir de ce rôle de bouc émissaire idéal dans lequel notre propre incapacité à penser leur intégration les condamne. Et enfin, plus globalement, qu’est-ce que les Roms, ces étranges étrangers, peuvent nous raconter de nous-même ?
Quoi ? Midi littéraire ; de réflexion et d’échanges
Quand ? le mercredi 29 janvier 2014
Heure ? de 12h15 à 14h30
Où ? Maison de la Solidarité, 66 à 1060 Bruxelles
Droit d’entrée ? 5 euros (lunch et boissons compris)
Ahmed Ahkim dirige le Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie depuis 2001. Il a fondé en 2007 le réseau MAIPI (Réseau des Médiateurs, Accompagnateurs, Interprètes sociaux et interculturels avec les populations Précarisées et/ou Immigrées) porté depuis 2010 par l’asbl « Deurop – Pour une Europe en Développement » dont il est fondateur et administrateur.
Rrahim Gashi est médiateur interculturel au Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie. Il a une expérience et une connaissance de la situation des Roms dans l’ex-Yougoslavie.