12/5/14 Soirée-débat: des artistes questionnent l’Europe

affiche culture europeQuand? Lundi 12 mai à 20h

Où? Lavallée Creative Spot – 47 r Choeur 1080 Molenbeek

PAF? Entrée gratuite – inscription souhaitée

 

Longtemps l’art et la culture sont restés à la marge de la politique européenne commune. D’une part, la culture n’était pas perçue comme un enjeu de société majeur, d’autre part, nombre d’Etats ne souhaitaient pas que l’Europe empiète sur leurs prérogatives. Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour qu’on place la culture au cœur du projet européen, de manière à lui redonner un souffle nouveau.

Comme le rappelait Jean Hurstel, président de Banlieues d’Europe, ce projet européen a été bâti sur une triple utopie: politique, démocratique, culturelle. « L’utopie politique fut le projet de réunir des nations déchirées par les guerres et les conflits meurtriers pour assurer la paix, le développement économique et social par le Marché commun. L’utopie démocratique projetait la liberté comme horizon commun contre tous les régimes totalitaires au moyen d’élections libres. L’utopie culturelle, souvent invisible, devait cimenter des Nations aux cultures, langue, religions, modes de vie d’une extrême diversité. »

De ces trois utopies, la première a clairement pris le dessus, avec avant tout la victoire du tout-au-marché. Cette évolution s’est accompagnée d’un profond désenchantement, qui conduit aujourd’hui de plus en plus de citoyens à s’abstenir face aux enjeux européens. Beaucoup pensent que ce niveau de pouvoir est trop lointain et ne les concerne pas. L’Euroscepticisme gagne du terrain, aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique, en même temps que l’extrême droite, un peu partout sur le continent, reprend du poil de la bête. Or le contrôle de la culture et des artistes a toujours constitué une priorité pour l’extrême droite: une obsession qui se traduit parfois par l’élimination pure et simple de ceux qui dérangent, comme on l’a vu en Grèce avec l’assassinat, par les militants d’Aube dorée, du rappeur Pavlos Fyssas.

Les combats en faveur de la culture et la création ont partie liée avec les combats pour une Europe aux pratiques démocratiques enracinées dans le tissu social.

Les élections du 25 mai prochain nous donnent l’occasion de réaffirmer l’importance de la culture pour l’avenir de l’Europe. Dans quelle mesure peut-elle redonner vigueur au projet initial d’une Union européenne riche de ses diversités et non pas seulement d’une uniformisation de ses pratiques de consommation? Comment peut-elle contribuer à la construction d’une entité politique qui soit plus ouverte aux autres, tant à l’intérieur-même de ses frontière qu’au dehors? Quels modèles les artisans de la création et de la culture peuvent-ils proposer, notamment en termes d’économie? Les structures collaboratives, les organisations d’économie sociale sont de nature à concilier production de richesses et épanouissement personnel. Elles se développent dans les secteurs créatifs: peuvent-elles faire des émules ailleurs? Par ailleurs, l’organisation du travail par projets est extrêmement fréquente dans le secteur de la création. Peut-on en tirer des enseignements pour d’autres catégories socio-professionnelles, qui connaissent cette réalité depuis peu?

Comment, parallèlement, l’Europe peut-elle favoriser le développement de la culture et améliorer les conditions de vie des acteurs de la création alors qu’elle prône une politique d’austérité budgétaire qui cible directement les acteurs non « rentables », donc, en première ligne, une grosse partie du secteur culturel? Et si, pour changer de paradigme, on défendait plutôt un modèle de relance par la culture?

Même si elle ne peut se substituer aux États ou à leurs entités fédérées pour les politiques culturelles, l’Union dispose d’un large champ d’intervention pour contribuer au dynamisme du secteur créatif, notamment à travers son programme Europe Créative, ses fonds structurels et ses groupes de travail sur la culture ((Méthodes Ouvertes de Coordination de la Commission Européenne et la Commission Culture du Parlement Européen.)).

Le rôle de l’Union Européenne dans les négociations internationales est déterminant en matière de protection de la diversité culturelle et linguistique, comme l’a montré en 2013 le vote du Parlement européen excluant « les services culturels et audiovisuels du mandat de négociation » sur la zone de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis ((TAFTA: Transatlantic Free Trade Area.)).

Les moyens dont elle s’est dotée aujourd’hui bénéficient aux industries culturelles, qui peuvent aisément s’inscrire dans l’économie marchande (tourisme, loisir, city marketing…). Ils ne sont pas adaptés, cependant, à la majeure partie du secteur créatif. La plupart des structures actives dans ce secteur sont en effet des associations à but non lucratif, des coopératives, de micro- et Très Petites Entreprises… dont l’objectif n’est pas le profit. La prise en compte de cette forme d’entreprenariat particulièrement adapté aux valeurs et aux modes de travail du secteur est une nécessité. Comment l’Europe peut-elle adapter à cette réalité ses politiques et ses outils économiques? Et que peut-elle faire pour favoriser non pas seulement la consommation culturelle, mais l’expression culturelle de chacun comme expérience d’une démocratie en acte? Une expérience qui allie travail esthétique, souci d’émancipation, regard critique et création de liens sociaux?

Nous entendons réunir autour de ces questions des artistes de renommée internationale et des acteurs de la politique européenne pour un débat qui s’adressera à l’ensemble du secteur culturel.

Questionner le rôle que l’Europe peut jouer en matière de culture, c’est aborder non seulement les politiques culturelles, mais aussi les domaines de l’emploi, de la formation, du marché intérieur…

Nous inviterons donc des spécialistes de ces problématiques à dialoguer avec des artistes, à répondre à leurs interpellations, à nous rendre un peu plus familier le fonctionnement politique de l’Europe.