21/02/17 | Hervé Le Crosnier – Internet, entre construction des communs et machine à rumeurs
La construction et les premiers usages de l’internet ont considérablement accéléré le retour des communs dans l’agenda des concepts politiques et d’éducation populaire. L’internet lui-même est considéré comme un commun, géré par les ingénieurs qui ont établi les normes en toute indépendance des États, réseau au service de constructions collectives (comme Wikipédia ou Open Street Map). Les communs de la connaissance, une notion qui recouvre toutes les activités permettant le partage du savoir et son usage dans le monde entier, se sont développés, autour du libre accès aux publications scientifiques, des logiciels libres ou des licences ouvertes.
Mais au fil du développement de ce réseau mondial, de nouvelles enclosures sur la libre circulation du savoir se sont fait jour. D’abord une accentuation du rôle de la propriété intellectuelle, qui a conduit James Boyle à perler de « second mouvement des enclosures ». Puis une concentration de la richesse et des services dans quelques immenses acteurs transnationaux. Et enfin, comme nous l’ont montré de récents événements politiques, les médias sociaux sont devenus une machine à rumeurs, dans laquelle la haine, les émotions collectives et les discours sans fondement ont supplanté l’étude des faits réels.
Les utopies premières du réseau internet, même si elles étaient largement oublieuses de la réalité du monde et des rapports de force qui y existent, ont laissé place à la mainmise de quelques uns et l’organisation du désordre mondial (cyberattaques, montée des discours d’exclusion, risques d’affrontements généralisés). La sociologue danah boyd, spécialiste des pratiques dans les réseaux, l’exprime ainsi : « Nous avons construit des architectures et des plateformes dans lesquelles la haine emprunte le même chemin que le savoir, mais nous avons continué d’espérer qu’il n’en soit pas ainsi. »
Comment reconstruire un réseau d’échanges horizontaux, équitable et équilibré, géré par ses usagers, permettant le partage du savoir ? Commun faire que l’internet serve à nouveau la construction de communs ?
Les exemples positifs ne manquent pas, depuis les nouvelles pratiques culturelles de groupes (booktubing, écriture ouverte, fansubbing, machinimas, modding, circulation des memes…) jusqu’à la construction d’outils techniques permettant l’indépendance de l’usager face aux grandes plateformeset à la surveillance généralisée (logiciels libres de cloud, médias ouverts, sites de pétition en ligne, agendas partagés…). L’éducation populaire doit permettre de diffuser l’énergie positive de construction des communs de la connaissance, l’usage des équipements informatique pour gérer et partager les communs urbains et le refus des nouvelles enclosures sur notre espace mental collectif.
Hervé Le Crosnier est enseignant chercheur à l’Université de Caen Basse-Normandie. Ses enseignements portent sur les technologies de l’internet et la culture numérique. Ses cours de culture numérique délivrés en amphi sont filmés par le Centre d’Enseignement Multimédia de l’Université de Caen et rendus disponibles comme ressources éducatives libres.
Ses recherches en informatique portent sur la notion de documents composites et multilingues. Son travail en sciences de l’information et de la communication s’articule autour de la question des communs de la connaissance.
Hervé Le Crosnier est également membre associé de l’ISCC (Institut des Sciences de la Communication du CNRS). Il a publié dans la collection Les essentiels d’Hermès de cet institut deux ouvrages : La neutralité de l’internet : une question de communication (avec Valérie Schafer, 2012) et La propriété intellectuelle : géopolitique et mondialisation (avec Mélanie Dulong de Rosnay, 2013). Il y a organisé plusieurs séminaires sur les communs.
Il est éditeur multimédia chez C&F éditions, maison d’édition spécialisée sur les questions de culture numérique, de la société de l’information et des biens communs.
- Mardi 21/2/2017 de 10h30 à 12h00
- PointCulture Bruxelles (145 Rue Royale 1000 Bruxelles)
- Entrée: 5€
Un partenariat PointCulture, PAC, Cesep, Centre Librex, Culture & Démocratie, Gsara, Action Ciné Média Jeunes, Concertation des centres Culturels bruxellois, Revue Nouvelle, Arts & Publics.
Pour toute information presse: Alexandra Garin
Alexandra.garin@pointculture.be ou 02 737 19 35