26/11/2011 : Colloque « Transmission des valeurs laïques : le rôle de l’école publique »

Depuis la constitution de la Belgique, des hommes et des femmes se battent pour défendre les valeurs laïques et permettre que les citoyens puissent vivre en paix ensemble dans une démocratie ouverte, tolérante et progressiste. Ils luttent contre toutes les forces d’endoctrinement qui les empêchent de rester maîtres de leur destin et menacent leur liberté, que ces forces s’exercent du dehors, par le fait des dogmes religieux, politiques ou économiques, ou de l’intérieur, par le penchant « naturel » des individus à se soumettre aux devoirs inculqués, aux rôles définis, aux idées préfabriquées.

La survie des valeurs laïques demande vigilance, lent travail de transmission, et un brin de créativité quant aux moyens à inventer pour les pérenniser.

Vigilance, car, dans un pays séculier comme la Belgique, la laïcité ne s’impose pas à l’ensemble de la société dans l’affirmation du principe de séparation de l’Etat et des Eglises. Loin d’être comprise et partagée par tous, elle est placée au rang de philosophie non confessionnelle et se trouve mise en concurrence avec toutes les religions reconnues par l’Etat belge.

Lent travail de transmission, car les valeurs de la laïcité ne vont pas de soi et reposent sur une prise de conscience qui n’est pas évidente à opérer ni immédiate. Selon la conception de la laïcité que nous utilisons, politique ou philosophique, il s’agit d’acquérir une conduite à l’égard de la société et apprendre à respecter les règles régissant les rapports aux autres, ou bien de réfléchir sur soi-même et sur le sens de l’existence.

Créativité, enfin, car comme les laïques placent la tolérance et le respect de l’autre au coeur même de leur démarche, il leur faut transmettre sans prosélytisme, laissant toujours l’individu faire usage de son libre arbitre et cheminer dans sa réflexion personnelle à son propre rythme. Mais, il leur faut aussi éclairer sur un conception à géométrie variable selon la définition qu’on en donne.

Mais alors, qui en Belgique est en mesurer de transmettre ces valeurs laïques ? L’école publique est-elle à même de remplir ce rôle et de garantir l’impartialité de son institution pour assurer à chacun la liberté de pensée et d’expression ? Les décrets neutralité de 1994 et de 2003 le laissent entendre puisqu’ils stipulent que l’enseignement organisé par la Communauté Française garantit la démarche objective, l’honnêteté intellectuelle, la diversité des idées, l’esprit de tolérance. Ils concourent également à préparer l’élève à son rôle de citoyen responsable dans une société pluraliste (art 1). Enfin, dans le respect des convictions de chacun, ils offrent une pluralité de cours de cours de religions et de morale.

Mais nous pouvons nous interroger sur la portée d’un tel décret qui, tout en étant clair sur ses objectifs -transmettre à l’élève les connaissances et les méthodes qui lui permettent d’exercer librement ses choix- reste extrêmement silencieux sur les moyens à dégager pour réaliser un projet aussi ambitieux. Comment par exemple le rendre pleinement viable dans des écoles à discrimination positive où la diversité culturelle n’est plus respectée ? Comment permettre aux professeurs de mener leur mission première de transmission de savoirs tout en respectant les exigences du décret, c’est-à-dire former les élèves à reconnaître la pluralité des valeurs qui constituent l’humanisme contemporain, leur fournir les éléments d’information qui contribuent au développement libre et graduel de leur personnalité et qui leur permettent de comprendre les options différentes ou divergentes qui constituent l’opinion ? Comment assurer que les cours de religion et de morale respectent eux aussi l’esprit même du décret et véhiculent la pluralité des valeurs ?

Programme proposé

  • 9h30 – 10h00 : Accueil
  • 10h00 – 10h15 : Mot de bienvenue de Monsieur le Bourgmestre, Philippe Moureaux.
  • 10h15 – 12h15 : Table ronde 1 : Quels enjeux ?
  • 12h15 – 12h45 : débat
  • 12h45 – 13h30 : lunch
  • 13h30 – 15h00 : Table ronde 2 : Quels outils disponibles ?
  • 15h00 – 15h30 : débat
  • 15h30 – 16h00 : Conclusions

Table ronde 1 : L’objectif de cette table ronde est de poser la question des enjeux de la transmission des valeurs laïques dans le contexte actuel et de comprendre la place qu’occupe l’école publique dans ce travail de transmission en Belgique.

  • Guy Vlaeminck, ex Président de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente, également membre du Centre de Défense et de Promotion de l’Ecole Publique, exposera les valeurs fondamentales de l’école publique et ce qui, dans le contexte actuel, est susceptible de les mettre en danger.
  • Monique Mahieu, Inspectrice honoraire du cours de morale non confessionnelle, présentera le sens et la portée du décret Neutralité, sa cohérence avec les valeurs laïques. Elle fera aussi un bref parcours sur le contenu du cours de morale.
  • Michel Parisel, ex Président de la FAML, Vice-président du Comité organisateur de la Fête de la Jeunesse laïque, parlera des mouvements laïques qui autour de l’école publique apportent leur contribution à l’expansion des valeurs laïques dans la société belge. Notamment, il parlera de la fête de la Jeunesse laïque qui, en tant que rite de passage de l’enfance à l’adolescence et fondé sur les valeurs du cours de morale, vise une société plus juste, plus libre, plus fraternelle, respectueuse des droits humains.

Débat

Conclusions : Benoît Van der Meerschen, Président de la Ligue des Droits de l’Homme et Directeur de la Cellule Etudes et Stratégie au Centre d’Action laïque, fera la synthèse de la matinée et tentera de redéfinir la spécificité des valeurs laïques dans la pluralité des valeurs que notre société veut rassembler.

Table ronde 2 : L’objectif de cette table ronde est d’analyser les moyens pédagogiques et outils méthodologiques dont l’école dispose pour transmettre les valeurs de la laïcité. Pour cela, il nous a semblé utile de questionner l’école publique de l’intérieur, en réunissant direction et enseignants de cours de morale, de français et d’histoire. Leurs expériences croisées ainsi que leurs rapports multiples aux jeunes et aux savoirs nous apporteront un regard sur notre société qui se veut plurielle, mais qui n’a pas toujours les moyens de ses ambitions.

  • Alain Poels, ancien Préfet de l’Athénée Communal Adolphe Max,  de la Ville de Bruxelles expliquera concrètement les modalités d’organisation des cours de religions et de morale et des difficultés rencontrées. Il nous parlera de son vécu pour maintenir dans une école publique l’esprit des décrets Neutralité.
  • Laurent Berger, Professeur de français à l’Athénée royal de Uccle 2 et auteur de l’ouvrage « Perte de l’Universel », exposera le point de vue d’un enseignant sur la question de la transmission des savoirs à l’école. Il nous expliquera de quelle manière le cours de français aide à la construction de l’esprit critique de l’élève.
  • Sylvie Schoetens, Professeur de morale laïque donnera un éclairage sur ce qu’il transmet aux jeunes et comment.
  • Anne Morelli, Professeur à l’ULB, historienne spécialisée dans l’histoire des religions et des minorités, abordera l’importance d’un cours d’histoire comme moyen de créer des références communes. L’école publique se doit de défendre et de promouvoir l’esprit historique qui permet à l’élève, l’étudiant, de se situer sur une ligne qui suppose des constances, des continuités et des ruptures.

Débat

Conclusions : Nicole Dewandre, Conseillère à la Commission européenne, et Roger Thirion, ancien Professeur de littérature française et de philosophie-morale, secrétaire de la FAML et des AML-Molenbeek, feront la synthèse de l’après-midi.